Se souvenir, et ne pas pleurer

Je vais vous conter mon histoire la plus récente, celle qui m’a conduite doucement à la mort. Elle n’est pas triste, vous verrez. C’est l’histoire d’un homme qui part un peu au hasard. Il va accomplir un itinéraire d’un an, de quatre saisons, de 52 semaines, de 365 jours. Je ne sais pas pourquoi je vous détaille ces chiffres, vous savez ce que fait une année. Mais bon, lui, il va marcher durant tout ce temps, et par tous les temps. Là, vous êtes intrigué. Sans s. Je vais te parler au singulier, lecteur, si toutefois tu permets qu’on se tutoie ; notre éloignement relatif autorise ce paradoxe d’une intimité qui se crée entre toi et moi. Moi, je suis le Narrateur, et toi le lecteur. Entre les mains, tu possèdes une part de moi, tu as fait la démarche de me lire, donc en quelque sorte je suis devenu un proche. La seule pensée qui m’irrite un peu, c’est que tu vas petit à petit me connaître, mais moi je ne saurai jamais rien de toi. Sauf si un jour, par le plus grand des hasards, nous devions nous rencontrer, et que tu me dises : « Vous savez, c’était moi qui vous lisais l’autre jour, l’année dernière ». Je ferai semblant de m’en souvenir, je te sourirai.